JOURNAL DE MA CHAMBRE - Soudain le silence...

JOURNAL DE MA CHAMBRE

Soudain le silence se fait. Occupée à scroller frénétiquement sur les réseaux, mon oreille est alertée par quelque chose. Le silence. Le silence s’est posé sur la ville. Les oiseaux ont repris leurs chants, ou plutôt, le chant des oiseaux n’est plus masqué par le bruit des moteurs, des passants, de la ville en ébullition. La ville est vide mais la ville revit. La ville revêt un éclat lumineux. J’ouvre la fenêtre. La sensation de l’air frais sur mon visage après quatre jours de confinement a une toute autre saveur. La nature reprend ses droits, les sens s’éveillent. Seul le chant des oiseaux règne. J’écoute ce chant, déterminé, cette présence invisible, je ne connais même pas leur nom, me demande à quoi ils ressemblent.
En bas, dans la rue, le petit square aussi se révèle à mes yeux sous un jour nouveau. En ce début du mois de mars, camélias roses, photinias verts et rouges, corètes du Japon et forsythias jaune vif sont déjà en fleurs. Le temps qui s’étire soudain permet la curiosité, et l’éclat de ces arbres comme épanouis me donne envie de les connaître davantage. J’apprends alors. Le camélia est un genre de plantes à fleurs de la famille des Theaceae, originaire d'Asie orientale et méridionale de l'est depuis la chaîne himalayenne, au Japon et en Indonésie, connues sous le nom de cháhuā en chinois, de tsubaki en japonais, de dongbaek-kkot en coréen et de hoa trà ou hoa chè en vietnamien. Les Photinia, ou Photinies, forment un genre de 40 à 60 espèces d'arbustes de la famille des Rosacées et sont originaires de souche de l'Himalaya et d'Asie. Les Photinia ont été hybridées par l'homme. Ces photinias sont alors utilisés comme arbustes d'ornement seuls ou en massifs, ou en haie simple ou mixte. La Corète du Japon est un arbuste de la famille des Rosaceae. C'est un arbuste à la végétation vigoureuse, très foisonnante, aux tiges grêles toujours vertes, aux feuilles caduques et dentées, aux fleurs à 5 pétales pour l'espèce type, d'un jaune profond. C’est amusant, tous ces arbustes viennent d’Asie, comme le virus. Le Forsythia, lui, est un genre d'arbustes rustiques de la famille des Oleaceae, reconnus en général par leur abondante floraison ornementale jaune d'or, qui se produit parmi les premières de l'année en fin d'hiver et début de printemps de l'hémisphère nord. Les arbres en fleur annoncent le printemps, quant à nous, nous sommes confinés. Comme forcés d’admirer le spectacle de Dame Nature.
Dehors, une harmonie lumineuse est revenue. Discrète, simple, lente et pleine d’une énergie vitale et essentielle perdue. Soudain l’on se souvient que par défaut, et c’est une qualité, c’est la Nature qui règne. Tout à coup c’est à nouveau elle qui dicte sa loi. Les insectes pollinisateurs se cognent à ma fenêtre, les araignées ont repris le contrôle.
J’imagine cette dynamique qui se décuple au fil des jours… j’imagine une prise de conscience collective de la beauté prodigieuse, du caractère indispensable de la nature dans la ville. J’imagine ces chants d’oiseaux ramener certains à la raison, les sauver de l’angoisse qui les paralysait jusqu’alors, anéantis et ressuscités en même temps par un chant d’oiseau qui les renvoie à leur nature profonde, à leur place dans le monde. J’imagine des démissions, des reconversions professionnelles innombrables à la reprise de la vie « normale » dans quelques… semaines ? La perte d’intérêt en la vie frénétique, consommatrice, égoïque, profitable… confcall, deadline, business plan, asap, incubateur, accélérateur, CEO, GAFA, SEO, FOMO, FOBO, des gros mots, des absurdités qui soudain nous font nous sentir à côté de nos pompes, à côté de nos corps, à côté de nous-mêmes.
A force de chanter et d’applaudir à nos balcons, la routine du métro le matin avec nos teints verts et blafards, nos airs fermés et nos regards fuyants est devenue impossible, incohérente, insupportable. A rester chez nous, nous avons réappris le sens du Dialogue, de l’Échange, réappris à voir les personnes qui vivent sous notre toit, réappris à nous retrouver avec nous-mêmes. Pris le temps de prendre le temps. D’élargir notre champ de vision. De nous ré-intéresser aux choses lentes, à la douceur, à la culture. Notre rythme interne a ralenti et la vie du speed ne semble plus possible.
J’imagine les sangliers, les ours, les biches, les morses ? Débarquer en ville, attirés par ce calme soudain. Se demandent-ils ce qu’il se passe ? En tout cas ils ont compris que la place était libre, ils réinvestissent les rues bétonnées, un sanglier court sur un couloir de bus, un ours dévalise un épicier, une biche dort place de la concorde. L’humain se réorganise autour de et avec la vie sauvage. Aménage la ville pour laisser place à la nature. C’est la grande réconciliation. La cohabitation. Le réchauffement climatique est annulé.
Claire

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