JOURNAL DE MA CHAMBRE - Suzy Quiou se tire !

 JOURNAL DE MA CHAMBRE


Suzy Quiou se tire !

Alors, salut les filles ! Une p’tite dernière pour la route. Quoi, comment ça, la route ? Ben, la route tout court. Vous avez quand même entendu dire que lundi on s’déconfine ? Ah, me v’la rassurée. Ben, moi, Suzy Quiou, j’suis prête : casquette de base ball vissée sur la tête, visière derrière (c’est pas que j’veuille faire jeune, mais c’est pratique, ça protège la nuque), pantalon à deux étages, pour en enlever le bas quand il fait chaud, sans avoir à s’déculotter, faut pas montrer son Q à tout l’monde, hein ! Chaussures de rando, bâtons télescopiques, crème solaire. Tout, j’vous dis, tout est prêt. Sac à dos bouclé (et pas d’chez Décathlon, le sac, non, non, non, acheté au Vieux Branleur, enfin au Vieux Campeur, si vous voulez, nous, dans l’temps c’est comme ça qu’on disait, quand il était encore que rue des Écoles et même avant, chez Dhéty – j’sais plus comment ça s’écrit, pas grave ! Place des Vosges). Ah, ça r’monte à vieux c’est sûr, mais c’est du Millet pur jus, fabriqué en Haute Savoie, alors qu’maint’nant, c’est sûrement en Chine, comme Covid. Bon, tout ça pour vous dire que moi, sur la route, oui, oui, oui ! On the road again. Comme Jack, ce p’tit descendant de Bretons, qu’était aux États. J’irais bien aux États, mais pour les vols intercontinentaux, c’est pas d’main la veille ! C’est couillon ! J’aime pas laisser mes empreintes génétiques non plus, vous m’direz.
L’appel de la forêt, du grand large, des altitudes, ça m’prend aux tripes, qu’est ce que vous voulez, le temps des 20 km, des 800 m de dénivelée, ou même rien que l’vélo, tiens, mes 50 km balaise pour monter de Cluses à Cham ou aller au fer à cheval, j’vous parle pas du tour des lacs (d’Annecy ou Léman). Bah, c’était autrefois, mais j’oublie rien. Ça m’fait de belles veillées, je m’fais mon p’tit cinéma, vu que – vous l’savez déjà, j’ai PAS la télé. Je REFUSE la télé, sauf situations extrêmes, jeter un coup d’œil chez ARTE, sur l’ordi, ça remet les pendules en marche, parfois les neurones, faut les bousculer un peu, vous verrez ça plus tard les minettes, pas la peine de crâner, ça vient, ça vient, et ça s’installe comme Covid et pour les raviver, pour le coup, là, on n’a pas inventé l’ vaccin.
Bon, donc, sur la route. « Adieu, adieu, je pars sans détourner les yeux » (L’Auberge du cheval blanc, jeunesses, ça vous dit rien j’suppose. Théâtre du Châtelet, etc. Pas la peine, je renonce, ça prendrait trop d’temps. Tout’une éducation à refaire.) Bon,vous dites quoi, là ? Que l’déconfinement ? Que les distances ? Que ? Quoi, encore ! J’vais braver c’que l’Philippe, pas Gérard, hélas, ah, Gérard, il me manque un peu, malgré q’ça fait bien longtemps qu’il a passé l’arme à droite, pas à gauche. Risque pas, il était déjà de gauche, comme moi, vous aurez d’viné. C’que l’Philippe, va nous dire, celui à la barbe presque fleurie. Lui, le méchant, qui fait la sale besogne (et il la fait bien,il est taillé pour, on dirait), pendant que Manu, lui, le « en même temps », y’s’la joue gentil et tout, remercie tout l’monde, les soignants, les enseignants, les éboueurs (ben oui, sans eux, hein on s’rait dans la merde), les maires, les conducteurs de trains, de bus, de…, les parents, les gentil-z-enfants qui vont bien vouloir y aller dès lundi, les télébosseurs, les chefs, les entreprises (rajoutez-en si j’en oublie).
C’est l’OK Corral hexagonal. Y’en  a un qui tire, quand l’autre, tout sourire – mais on voit qu’ça lui coûte quand même, parfois le rictus revient -  ne fait que dire, Saint Jean-Bouche-d’Or, peut’êt’ ? Le ministère de la PAROLE. Mais pour finir, le Covid et nous, on les mettra peut’êt’ bien au tapis, pour le compte. Ça c’est pas encor’ le moment ! Mais ça aussi, ça vient vite. Faut s’préparer. En tout cas, moi, j’m’prépare déjà. Mais, en même temps...
Bon, alors, j’vais vous lâcher la grappe, là. J’vous dis « Salut, les filles ! Suzy Quiou se tire, elle met les voiles, elle largue les amarres et vogue la petite barcasse ! « Va Petit mousse, où le vent te pousse », trop vieille chanson pour vous ? Essayons Anne Vanderlove « Vent de la mer, chasse mes peines, vent des grands océans, chasse mon tourment ». Ça va tout d’suite mieux ?
Portez-vous bien et à la prochaine ? Ah, non, pas d’prochaine, ras la casquette !

                    Suzy Quiou, enfin libre.



Azucena

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