JOURNAL DE MA CHAMBRE - SUZY QUIOU VA MAL

Fenêtre sur cour
(suite  : Suzy Quiou va mal)


Ah, là, là, là, là, là, là ! Ah, là, là, là, là ! Ahhhhh ! Ça va mal, ça va mal. Non, non, j’ai pas d’fièvre (d’abord vous savez bien, si vous suivez, qu’j’ai cassé le thermomètre), j’tousse pas, non plus, j’ai pas d’courbatures non plus, non, côté virus, ça baigne, j’pourrais même dire. Non, c’est côté famille (enfin, pas toute, la famille), plutôt Fénicie, parce que mon Edelweiss duvetée du glacier d’la Serpentine, elle, jamais elle m’aurait dit ça. Jamais, jamais. Ah, j’vais lui écrire, vite fait, avant que Fénicie n’lui en dise des vertes et des pas mûres et des ment’ries sur mon compte, faudrait pas qu’elle m’l’affole. Vu que Charleston, aux États confédérés du sud, c’est pas la porte à côté et qu’elle pourrait pas faire un saut aussi grand, pour venir me voir, même en avion. D’ailleurs, les avions, en c’moment, hein ? L’gouvernement ferme les aéroports ! En v’la une, qu’elle est bien bonne. Tu crois pas qu’le virus il a attendu de prendre l’avion depuis la Chine de XXP, pour arriver jusqu’à chez nous ?

 C’est un virus chinois, t’as qu’à voir. Petit, petit, petit, comme les Chinois et rusé, rusé, rusé comme un pangolin.
Bon, tout ça pour vous dire, si vous l’avez pas entravé en zieutant tout c’qui s’écrit sur vos ondes, que Fénicie elle me menace de m’faire foutre en taule. AU TROU. Dans l’noir. Tout ça parce que ces con… finés de voisins y’se plaignent qu’j’écoute la radio un peu tard le soir. Mes jours sont confinés, mes nuits, j’m’éclate comme je peux. J’m’envoie pas en l’air (avec qui, d’ailleurs, hein???), comme certains voisins qu’j’imagine entendre à travers les cloisons. « Délicatessen », ça vous rappelle quelque chose, peut-être ? Oh, là, allez pas croire que j’entends des voix… j’en suis pas encore rendue là.
Vous avez lu « Clochemerle », de Chevalier Gabriel ? Non ? Vous devriez. Y’a là d’dans une Justine Putet, qu’espionne tout l’monde derrière ses carreaux. J’ai une voisine qu’est l’portrait tout craché. Tout, tout, j’vous dis, elle sait tout (enfin savait, parce qu’avec le confinement). Et bien, c’est bien fait pour elle. Emmerdeuse, en plus, parce que bon, passer sa journée avec et à promener son chien, c’est pas la joie. On s’croise plus, d’ailleurs.


En allant me prom’ner c’tantôt, je passe devant le n° (j’vous l’dirai pas, j’fais pas d’la délation, moi), su’l’trottoir d’en face, et j’entends comme des plaintes, des cris d’enfants qu’on tourmente. Ça s’rait pas des playmo’s, qu’on entend ? On dirait. Bourreaux d’playmo’s ! Ça m’a traversée de l’dire aux flics qui contrôlaient devant chez les malbouffeurs près du parc, mais j’me suis dit que déjà qu’j’étais confinée, fallait pas me mettre à dos les faiseuses (pas d’anges, bécasse !) de playmo’s. Fallait préserver l’avenir et la sortie du confinement.
Puis j’ai vu l’truc de Julien : caméra à l’épaule, déambulation dans tous les sens dans la rue, ça m’a donné l’tournis, puis ça s’termine brusque par un mec qui fait du jogging, tout seul, dans une rue. C‘est quoi ce cirque ? Juju, j’t’reconnais pas : c’est toi notre animateur d’atelier qu’a fait ça ? Faudra m’expliquer, tu sais qu’j’entrave lentement. Si c’est pas toi, ça m’rassurera sur ton état.’
Pour le coup, j’vous lâche la grappe. j’vais aller m’faire à bouffer, puis j’écrirai à mon Edelweiss duvetée du glacier d’la Serpentine . Ben oui, je l’ai prénommée comme ça : Edelweiss, parce qu’à l’époque j’étais en amours avec un Suisse.

À bientôt.  Suzy Quiou

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